| | | La connaissance du milieu culturel des commanditaires semble essentielle sachant que les spécialistes tendent à mettre en avant l’originalité historique de cette œuvre architecturale, sa référence à des projets et bâtiments d’architectes célèbres et le jeu avec des conventions « classiques » maîtrisées. Car les orientations données par le maître d’ouvrage pour la conception et la réalisation devraient se retrouver au moins dans l’esprit général du bâtiment si ce n’est dans des spécificités formelles. Les commanditaires, Louise de Clermont et Antoine de Crussol, font partie d’un milieu cultivé. Ce dernier a reçu une bonne éducation humaniste, tandis que Louise de Clermont est depuis son enfance au service de la reine et est entrée en contact avec les artistes en vue de l’époque et avec l’actualité culturelle. Son premier mari, François du Bellay, était un esprit cultivé. Elle a aussi fréquenté le cousin de celui-ci Joachim du Bellay, le poète de la Pléiade, et le cardinal du Bellay, le protecteur de Rabelais et de Philibert de l’Orme. Un autre indice sur la position intellectuelle des deux époux est leur sympathie pour le mouvement de réforme protestant, qu’Antoine de Crussol défendra même par les armes, se mettant en situation délicate par rapport au pouvoir royal. Esprits engagés dans les arts et la politique de leur temps, ils peuvent être définis par une ouverture d’esprit qui leur fait adopter une certaine tolérance religieuse et une proximité avec les arts en train de se faire, que ce soit la littérature, le théâtre ou l’architecture. Plus spécifiquement, ils ont tous les deux une forte culture architecturale, héritée en quelque sorte de leur famille respective mais aussi acquise par leur expérience des différents milieux qu’ils ont fréquentés, dont celui essentiel de la cour. Le grand-père d’Antoine de Crussol a fait construire le château d’Assier, bâtiment alors très actuel. Le frère de Louise de Clermont a quant à lui commandité la palais Renaissance d’Ancy-le-Franc, situé près de Maulnes et construit sur les plans de Sebastiano Serlio. Autre exemple significatif, le cardinal du Bellay a fait édifier le château de Saint-Maur, conçu par Philibert de l’Orme. On retrouve ici deux architectes figurant dans les hypothèses sur le concepteur et dans les références auxquels peut être rapporté le château de Maulnes. Voici donc un château original commandité par deux personnages dont les personnalités et les cultures peuvent transparaître dans les partis architecturaux assez particuliers pour l’époque. Ce bâtiment semble en effet manifester une bonne culture architecturale, qui s’exprime dans la connaissance des règles « classiques » de référence de la Renaissance italienne et des singularités françaises de cette période, mais surtout que cette culture semble servir à détourner des règles tout en aboutissant à une forme architecturale maîtrisée et originale. Il est peut-être possible ici d’avancer l’idée que ce château paraît quelque peu échapper à la domination d’une certaine reproduction de modèles, et être une sorte d’exercice de style architectural. Bruno Choc |