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Actualité La spectaculaire restauration de Fonta

  • Actualité - La spectaculaire restauration de Fontainebleau

    La spectaculaire restauration de Fontainebleau

    Véronique Prat (texte) et Raphaël Gaillarde pour Le Figaro Magazine (photos)
    23/12/2009 | Mise à jour : 18:28
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    Située dans les Grands Appartements, la chambre de l'Empereur était ornée d'un velours prune qu'il trouva trop sombre et qui fut rebrodé de feuilles et de fleurs de laurier. Sa restauration aura duré douze ans.
    Située dans les Grands Appartements, la chambre de l'Empereur était ornée d'un velours prune qu'il trouva trop sombre et qui fut rebrodé de feuilles et de fleurs de laurier. Sa restauration aura duré douze ans.

    Après d'importants travaux, le château de Fontainebleau sort de sa torpeur pour redevenir ce vaste ensemble palatial qui a vu défiler les Bourbons, les Orléans et les Bonaparte. Visite en exclusivité des somptueuses salles rénovées.

    Le château de Fontainebleau est en travaux depuis... des siècles. Quand François Ier décide d'en faire sa demeure, en 1527, le lieu n'est qu'un amas de ruines : celles d'un manoir et d'un couvent fondés par Saint Louis. Mais, au lieu de les raser, François Ier choisit de les rebâtir en réutilisant les restes des deux édifices. Commencés au mois d'août cette année-là, les travaux n'ont plus cessé jusqu'à aujourd'hui : presque cinq siècles ! Chaque monarque, des premiers Capétiens à Napoléon III, s'est affairé à augmenter, restaurer ou transformer le château. L'histoire s'y bouscule, les styles se télescopent, les oeuvres d'art s'accumulent. C'est ici qu'est mort Philippe le Bel, que Charles Quint rendit visite à François Ier, que le futur Louis XIII fut baptisé, que fut signée la révocation de l'édit de Nantes, que fut célébré le mariage de Louis XV avec Marie Leszczynska, qu'eurent lieu les adieux de Napoléon à sa garde dans la cour du Cheval blanc. C'est ici encore que cohabitent les stucs de la Renaissance et les marbres de Gabriel, les marqueteries de nacre et bronze doré faites pour Marie-Antoinette et les boiseries voulues par Eugénie, les soieries du XVIIIe siècle et les ottomanes du Second Empire. Un château de 1 530 pièces, quatre cours, d'immenses jardins, un grand canal, c'est à Fontainebleau comme nulle part ailleurs.

    Tant de beautés, de richesses, mais qui sommeillaient gentiment. Un château inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, mais qui peinait à attirer plus de 300 000 visiteurs par an (quand Versailles en accueille 3 millions) : le palais des rois, mais d'un abord sinistre. C'était hier. Jean-François Hébert, nouveau patron de Fontainebleau, a décidé de le réveiller en menant un vaste programme de restauration basé sur un partenariat public-privé. Aujourd'hui, doté d'un nouveau statut d'établissement public, le château bénéficie du concours des Emirats arabes unis (10 millions d'euros sur cinq ans) et du Crédit agricole (1,4 million d'euros sur trois ans). Avec la réouverture, coup sur coup, de deux de ses plus beaux espaces - l'appartement du Pape et l'appartement des Chasses -, avec la restauration du boudoir de Marie-Antoinette et de l'exceptionnel théâtre Napoléon III, Fontainebleau connaît une deuxième renaissance.

    Mais, surtout, il ne ressemble à aucun autre château français. Pour plusieurs raisons : il n'y a pas, ici, la volonté d'un souverain de marquer son règne par un décor uniforme, comme c'est le cas à Versailles. Bien au contraire : depuis le XVIe siècle, tous les régimes, de la monarchie à la république, ont laissé des traces de leur passage en une succession de décors variés, aujourd'hui imbriqués les uns dans les autres. « Quand surgissait un nouveau projet, on gardait le plafond à caissons du XVIe siècle, mais on meublait la pièce avec des tables et des chaises de style Empire », explique Jean-François Hébert. Il y a, à Fontainebleau, un mélange des styles unique en son genre. Autre particularité : le château a l'énorme avantage, contrairement à Versailles cette fois encore, de posséder un ameublement complet qui lui donne l'aspect d'une demeure vivante et habitée.

    Dans cet entrelacs de constructions, des temps forts se détachent. Pour bâtir la galerie qui porte son nom, François Ier va faire appel à des artistes italiens. Le principe de tous les décors de la Renaissance à Fontainebleau - fresques entourées de stucs en hautsreliefs - est appliqué ici pour la première fois. Le sujet des fresques avait été donné par le roi lui-même, mais de manière tellement énigmatique qu'il n'est toujours pas parfaitement élucidé aujourd'hui. Cette difficulté enchantait François Ier, qui mettait ainsi à l'épreuve l'érudition de ses visiteurs. Peintes par Rosso entre 1535 et 1540, ces fresques représentent peut-être les grands événements, heureux et malheureux, du règne du roi chevalier. Partageant la même passion pour Fontainebleau, Henri IV a poursuivi l'oeuvre du Valois. On lui doit la galerie des Cerfs et la galerie de Diane, dont le décor peint célébrait le couple royal, Henri IV et Marie de Médicis, tout en évoquant l'histoire de Diane et d'Apollon.

    De cet ensemble, que l'on doit à Ambroise Dubois, il ne reste rien : au début du XIXe, la galerie a été transformée en bibliothèque. Ce n'est pourtant pas l'épisode le plus sombre de l'histoire du château. Pérouse de Montclos, qui connaît Fontainebleau comme personne, écrit en effet : «A Louis XV revient la palme réservée aux plus dignes descendants des rois vandales. On se lasserait à dénombrer les destructions commandées par ce roi à Fontainebleau.»Le pire fut la démolition, qui indigna les contemporains, de la galerie d'Ulysse, magnifique ensemble peint par Nicolo dell'Abate d'après des dessins du Primatice.

     

    Voulu par l'impératrice Eugénie, le musée chinois, riche de quelque 400 pièces provenant du sac du Palais d'Été en 1860, occupe trois saloin dans le Gros Pavillon du château.
    Voulu par l'impératrice Eugénie, le musée chinois, riche de quelque 400 pièces provenant du sac du Palais d'Été en 1860, occupe trois saloin dans le Gros Pavillon du château. Crédits photo : Le Figaro Magazine

     

     

    Le musée chinois de l'Impératrice

     

    De Saint-Cloud, qu'il affectionnait, l'Empereur va prendre l'habitude d'aller chasser à Fontainebleau. En 1814, quand la France est envahie, Napoléon ne veut ni ne peut s'avouer vaincu. C'est à Fontainebleau qu'il va abattre ses dernières cartes. Il y arrive le 31 mars au soir et s'installe dans son petit appartement du premier étage, le long de la galerie de François Ier. Le 20 avril, après avoir abdiqué, il quittera le château : c'est la célèbre cérémonie des adieux à la garde, où il s'adresse à ses vieux soldats : «Dans ces derniers temps comme dans ceux de notre prospérité, vous n'avez cessé d'être des modèles de bravoure et de fidélité. Continuez de servir la France.» Des adieux multipliés par cent mille images d'Epinal. Napoléon aurait bien voulu laisser sa marque à Fontainebleau ; il n'en eut pas le temps. Mais il a son musée, où, sur des modèles conservés au château même ou au Mobilier national, on a refait tisser à l'identique les tentures qui ornent chacune des quinze pièces de l'appartement. Les tapisseries décolorées, les rideaux effilochés et les fresques écaillées ont été remplacés par des couleurs qui claquent : vert à palmettes, jaune à feuilles d'acanthe qui servent de décor aux délicates pièces en porcelaine de Sèvres et aux magnifiques services en vermeil. En 2007, après avoir été fermé au public pendant plus de vingt ans, l'appartement du Pape retrouvait sa splendeur. Ainsi appelé en référence aux deux séjours de Pie VII à Fontainebleau, en 1804 et 1812, ces onze pièces en enfilade ont reçu l'un des mobiliers les plus spectaculaires du château : dessus de portes par Mignard, mobilier par Sené et Beneman, bronzes dorés et grands vases de Sèvres.

    Napoléon III et Eugénie avaient pris leurs habitudes à Fontainebleau. L'Impératrice voulut y installer son musée chinois, trois salons où sont exposées quelque 400 pièces au pedigree irréprochable : elles faisaient partie des collections de Xianfeng, souverain de la dynastie Qing, la dernière à régner en Chine. Elles ont été pillées lors du sac du Palais d'été, en 1860, et c'est à Fontainebleau que l'on peut désormais voir les panneaux lambrissés, les vases en émail cloisonné, les paravents peints, les porcelaines, les jades et les pierres dures du Céleste Empire. Napoléon III voulut lui aussi laisser sa patte à Fontainebleau : en 1854, il commanda à son architecte Hector Lefuel un théâtre, très inspiré de l'opéra royal de Versailles. Le théâtre servit très peu. Fermé en 1870, il est, depuis, resté inconnu du public. Sa récente restauration sera donc une révélation d'autant plus impressionnante que la scène possède encore sa machinerie ancienne. Rien ne s'oppose à ce que des spectacles y soient donnés aujourd'hui.

    Peu à peu, le château de Fontainebleau expose à nouveau au public ses décors et ses ameublements. C'est ici désormais, dans cette immense demeure royale, qu'il faut venir découvrir la fastueuse et foisonnante évolution des arts décoratifs, de François Ier à Napoléon III.

     

    Source : http://www.lefigaro.fr/culture/2009/12/23/03004-20091223ARTFIG00564-la-spectaculaire-restauration-de-fontainebleau-.php